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Devenir policier au Québec, le rêve impossible des non-citoyens

Mathieu Carbasse, 6 novembre 2023 07H00

«Je crois que ma personnalité correspond à ce métier. J’aime aider les gens, j’aime bouger, interagir avec le monde.» Gloria* a trouvé sa vocation: devenir policière. Son rêve lui est toutefois impossible, parce qu’elle n’est pas citoyenne canadienne.  
Arrivée du Congo avec sa famille en 2018 avec un statut de demandeur d’asile, l’adolescente a terminé ses études secondaires à Montréal l’an passé, après être d’abord passée par une classe d’accueil.  
Mais malgré son secondaire 5 en poche, elle ne peut pas s’inscrire en techniques policières.
Pourquoi? 
Parce que le Québec est la seule province canadienne où il faut être citoyen pour pouvoir devenir policier. Gloria se retrouve donc de facto exclue de cette voie, comme plusieurs autres étudiants dans sa situation. 
Car si les collèges qui dispensent cette formation acceptent qu’elle s’inscrive, l’étudiante devra détenir sa citoyenneté canadienne lorsque ses 3 ans d’études seront achevés et qu’elle voudra intégrer l’École nationale de police du Québec (ENPQ), une étape incontournable pour devenir policière.  
Gloria préfère donc attendre avant de réaliser sa vocation.  
La volte-face du gouvernement
Si Gloria est dans cette situation, comme d’autres étudiants avant elle, c’est parce que le gouvernement du Québec a choisi de faire marche arrière dans ce dossier. 
Le projet de loi 18, présenté en décembre 2021 par la précédente ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, prévoyait pourtant d’ajouter le statut de résident permanent comme critère d'admissibilité à l'ENPQ ou pour devenir policier.  
Le gouvernement s’appuyait alors sur la 48e recommandation du rapport du Comité consultatif sur la réalité policière (CCRP), censé parfaire le modèle de police au Québec. 
Dans la loi n° 14, entrée en vigueur au début du mois d’octobre, il n'existe plus aucune trace de la recommandation du CCRP. 
Interrogé en commission parlementaire en septembre dernier, l’actuel ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a tenté d’expliquer les raisons de cette volte-face.  
«On a fait le choix de garder le fait d'être citoyen canadien. De l'autre côté, on a fait le choix aussi d'augmenter le nombre d'attestations d'études collégiales (AEC). On va passer de 90 à 230 sur les 1000 formés à l'École nationale de police. Donc, c'est un signal important qu'on envoie, principalement aux minorités, pour être capable d'avoir aujourd'hui un pourcentage de 23% de ces cohortes qui viennent des minorités visibles», a ainsi expliqué François Bonnardel.  
Le ministre de la Sécurité publique s’est dit «fier de cette loi» et persuadé que cette mesure permettra d'augmenter la représentativité des minorités car selon lui, le pourcentage des personnes issues de minorités visibles qui arrivent des AEC est plus élevé que celles qui arrivent par la voie des DEC.
Des critiques de l’opposition
La députée de Québec solidaire Ruba Ghazal, qui souhaitait déposer un amendement à la loi pour faire ajouter la mention «citoyens canadiens ET résidents permanents», regrette le «silence du ministre sur le changement d'idée du gouvernement».  
«Il y a des gens qui viennent ici, qui veulent devenir citoyens canadiens, qui ne le sont pas encore, mais qui peuvent travailler, qui peuvent être médecins, qui peuvent être pompiers, qui peuvent exercer plein de métiers au Québec sans être citoyen canadien... sauf policiers», s’est désolée la députée de Mercier, à Montréal.
La députée libérale Jennifer Maccarone a elle aussi du mal à comprendre la décision du gouvernement, surtout que les corps policiers connaissent une grave pénurie de main-d’œuvre. 
Des catégories de citoyens 
Le recul du gouvernement est dur à avaler pour le directeur de la sécurité publique à la Coalition Rouge, un organisme de sensibilisation sur les questions liées au racisme systémique dans la société.  
«Ça crée des catégories de citoyens, c’est discriminatoire», dénonce Alain Babineau.  
«L’augmentation des AEC n’a pas rapport avec ça. Peut-être que ça peut aider, mais ce n’est pas fait pour augmenter la présence de gens de la diversité dans la police», soutient-il, alors que l’un des objectifs principaux de la loi n°14 entrée en vigueur au début du mois est justement de mieux prévenir et contrer le profilage racial et social.  
«Or, on le sait: plus une organisation est diversifiée, plus on diminue le risque de discrimination et de racisme. C’est vrai aussi dans la police», insiste M. Babineau.  
«Pourquoi on fait ça différemment au Québec? Quel est le danger d’avoir la formation ouverte aux résidents permanents comme partout au pays? Qu’est-il arrivé entre le projet de loi de 2021 et le nouveau qui vient d’être introduit?», se demande-t-il en entrevue avec 24 heures.
Une décision politique?
Pour Tari Ajadi, professeur adjoint en science politique à l’Université McGill, le fait que le gouvernement ne souhaite pas permettre aux résidents permanents de devenir policiers est avant tout un signe du «manque de sérieux avec lequel le gouvernement actuel va prendre d’autres questions encore plus importantes que celle-là».  
«C’est un choix. Comme c’est un choix de ne pas affirmer qu’il existe du racisme systémique au Québec, soutient-il. Et ils le font car ça marche politiquement.» 
Un objectif à atteindre
Jusqu’à ce que sa situation change, Gloria travaille comme caissière dans un restaurant. Elle attend d’obtenir sa résidence permanente pour s’inscrire en criminologie.  
«Ça me facilitera la tâche pour la suite, d’aller en criminologie», lance-t-elle en tentant de rester optimiste.  
Et même si elle avoue avoir déjà pensé abandonner son rêve, l’idée de pouvoir un jour devenir policière tout en étant une femme immigrante la motive.  
«Je ne serai pas la première, mais c’est un objectif à atteindre!» 
*Son prénom a été changé



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